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M. Papineau : Impossible. Je vous adresse à des gentilshommes.

La Députation : Nous avons été refusés poliment mais péremptoirement par M. Coursol, qui nous dit qu'il ne voulait pas nous aider à embarrasser le ministère et que notre démarche ne lui serait pas agréable.

M. Papineau : Ah! En voilà donc un qui n'est pas dans le gouvernement et qui est dans les secrets d'un gouvernement aussi mystérieux que le nôtre! Non, vous êtes dans l'erreur. Ce n'est pas un fait acquis qu'il vous révèle; c'est une supposition ingénieuse à laquelle il est parvenu d'après un calcul assez plausible de probabilité, que la quiétude du repos et de la sagesse du silence sont aussi agréables au ministère canadien que le tapage de l'Irlande lui est ennuyeux, et à lord Russell aussi. Je vous répète, remontez à la source de tous ces rapports. Voyez vos représentants. Mon avis à moi, est que des ministères actifs et judicieux, entre lesquels se trouvent « plusieurs membres irlandais » et « d'origine irlandaise », devraient se faire l'honneur de prouver que leur coeur n'est pas de glace pour les angoisses de leur pays; se faire l'honneur de ne pas étouffer votre élan patriotique. S'ils peuvent s'excuser de ne pas y être en personne, ils doivent au moins encourager leurs amis à assister à votre assemblée, à en préparer avec vous les résolutions, afin que, ne dépassant pas les limites de la loi, vous alliez aussi loin qu'elle le permet, ainsi que l'ont fait leurs partisans très dévoués à Québec. Voyez M. Holmes, il est votre représentant, il est ami du cabinet, il est irlandais d'origine; vous avez sur lui des droits que vous n'avez pas sur moi : il doit être votre président si vous l'y appelez.

Vous venez après vos concitoyens de Québec, pour organiser une démonstration analogue à celle qu'ils ont eue et qui justement vous intéresse. Ayant le bénéfice de leur exemple, et le temps de la réflexion, vous devez vous efforcer de faire quelque chose de plus qu'eux.

Quoique vous deviez, dans cette occasion, avoir une réunion irlandaise, vous ajoutez à son importance, si vous faites appel, dans toutes les origines dont se compose notre société, aux hommes humains, dévoués à la cause du progrès, au respect de la justice, à la haine contre l'oppression, et si vous leur demandez de vous seconder. Que les diverses nationalités un peu nombreuses soient représentées dans votre assemblée. Élisez des vice-présidents, Canadien, Anglais, Écossais, Américain, et Allemand. Apprenez à connaître la liberté de sentiments, la soif de libéralité, d'égalité et de fraternité que possède la majorité de vos concitoyens d'origine française. Invitez-les à prendre part à une démonstration qui a pour but de donner une libre expression aux sentiments qui gonflent leurs généreuses poitrines, haine à l'oppression, pitié pour les souffrances nationales de l'Irlande, comme pour ses souffrances individuelles, ainsi que vous le prouve l'adoption, dans les familles canadiennes, d'un si grand nombre des orphelins de l'Irlande, faits orphelins par la lâcheté des ministères whigs bassement maîtrisés par l'intérêt mercantile et, par suite de cet asservissement, laissant faire par les propriétaires de vaisseaux anglais, avec une avidité de lucre plus sordide, une inhumanité plus brutale, une imprévoyance plus meurtrière, la traite des Irlandais que n'en mettent les corsaires de Cuba et du Brésil dans la traite des noirs.

L'intérêt du négrier est d'avoir un court passage et de vendre entière et en santé sa cargaison. L'intérêt des Stanley, des Palmerston, des Blake et autres de leur caste et de leur tempérament, est de chasser de leurs vastes domaines irlandais ceux qu'ils ont faits pauvres et qui ne peuvent plus les payer. Plus le vaisseau qui les emporte est encombré, plus le domaine et le coeur des mauvais riches sont allégés, et plus le revenu est grossi. Ils ne peuvent pas faire exécuter, nous informent-ils officiellement, leur loi qui tendrait à prévenir l'encombrement. Ils ne la « veulent pas » faire exécuter. Ils ont profit et plaisir à ce qu'elle soit éludée. De là, les colères exprimées d'un Stanley contre notre loi coloniale. De là l'hyperbolique bassesse d'un Grey et de tous ses collègues, blâmant la loi coloniale passée d'après leurs instructions. Voilà le gouvernement responsable à sa source, dans toute sa sincérité, sa bienfaisance, ou sa nudité comme on voudra l'appeler! Faut-il s'étonner qu'il soit si épaissi de sang et de boue quand il est rendu à Sandwich pour y faire choix de représentants qui le comprennent et le préconisent!

L. J. PAPINEAU.


L’AVENIR.

MONTREAL, LUNDI 15 MAI 1848.

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—Nous publions anjourd’hui un Feuilleton Suplémentaire vu la quatité de matière que nous avons en main. Nos lecteurs trouveront dans ce feuilleton un extrait du Canadien, sur l’assemblée de Québec. Nous ne pouvons faute de place publier les procédés de cette assemblée de Québec. Elle se composait de 3000 à 4000 personnes.

AssENBLÉE PUBLIQUE.—On trouvera plus loin le rappoit officiel de l’assemblée d’hier, qui avait été convoquée par un avis contenu dans notre numéro de mercredi. Nous n’avons pas le temps aujourd’hui d’en donner une description, comme nous l’eussions désiré, ni de passer en revue le magnifique discours prononcé par I’honorable L.-J. Papineau, dont la puissance oratoire nous parait plus cultivée encore qu’autrefois, sans que l’éloquent orateur ait rien perdu de sa vigueur, de son émouvante énergie, de cette brûlante verve,signes d’inébranlables et d’honnêtes convictions. Nousespérons pouvoir publier prochainement une version exacte de son improvisation, dont le sens sera sans doute perverti, comme il l’a été malhonnêtement déjà par le Morning Cronicle de ce matin, qui lui met dans la bouche des paroles, absolument contraires à la teneur de son discours tout entier. Une publicité complète pour ce discours est due à l’honneur de l’orateur lui-mêmeet à l’assemblée elle-même, qui ne doit pas souffrir passivement qu’on lui donne un caractère qu’elle n’a pas eu, qu’elle n’a pu avoir.

Cette conduite n’est pas surprenante de la part d’un journal tory,dont le rédacteur ou le rapporteur ne comprend point probablement la langue française, et qui ne tient peut-être pas à la véracité, à l’égard d’un adversaire politique. Mais que dira-t-on de la tactique d’une feuille canadienne, du Journal de Québec,qui met dans la bonche de l’honorable représentant de la cité’de Québec des paroles qu’il n’a pas prononcées et à qui lui fait dire ce qu’il n’a pas dit ? Ou le rédacteur,était à l’assemblée,et il a rapporté ce qui est faux, ou il n’y était pas, et alors, comiment peut-il en parler ?

M. Chabot n’a pas pu, commele lui fait dire le Journal, ECPUOISS 14 pON QUE VU ivo tuvs du EL. Fapiluvau, puisque, lorsqu’il l’introduisit à l’assemblée, ce monsieur n’avait point encore parlé. Il a dit, seulement qu’il présidait avecplaisir, à cette démonstration sur l’invitation, de ses concitoyens, qu’il en approuvait par conséquent l’objet, bien qu’il pourrait arriver que, sur quelques points particuliers, il ne fût pas entièrement d’accord avec l’honorable monsieur. Voilà ce que M. le président de l’assemblée a dit et ce que tout autre homme à seplace,eûtpudire ;maisilyabienloindelàaveclacomplète rejection de principes que lui fait commettre, nous ne savons vraiment pas dans quel but, le Journal de Québec. L’assemblée a été magnifique et aura du retentissement, nous n’en doutons point. Elle eût été sans doute infiniment plus considérable encore, sans l’intempérie de la journée, qui a

fit croire à un grand nombre de personnes que la réunion n’aurait point lieu.

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L’honorable Louis Joseph Papineau repart, ce soir, pour Montréal, après un séjour de deux jours dans notre ville, où il a reçula visite de tous les citoyens marquants, qui ne l’avaient pas vu, depuis la malheureuse année dela suspension de notre constitution.— Canadien du 12 mai.

{F-Nousregrettons qu’une erreur grossière se soit glissée dans la partie typographique du No. de samedi. On s’appercevra que nous y avons remédié, autant qu’il était possible dele faire. Articles remis.—Reveu Commerciale, un : mot au Pilot, Plusieurs correspondances,ainsi que l’addresse de la jeunesse de Montréal-

IMPRIMERIE DE L’AVENIR,

MONTRÉAL, RUE ST. VINCENT.

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