Page:L’Auvergne historique, littéraire et artistique, série 3, tome 1, années 1893-1894, 1903.djvu/237

Cette page n’a pas encore été corrigée

Le jeune volontaire entra d’abord au 25e régiment de chasseurs à cheval, puis au 29e qu’il quitta pour être incorporé dans la Garde. Il franchit dans ces divers corps les glorieuses étapes que nos légions accomplissaient à travers l’Italie, l’Autriche et l’Espagne.

On mourait vite alors à l’ombre du drapeau, mais ceux qu’épargnait la mitraille faisaient rapidement aussi leur trouée vers l’avenir. Son frère Pierre avait disparu à Esling dans le tourbillon d’une charge de kaiserliks. Maurice, l’aîné, était déjà légionnaire et capitaine au 6e lanciers. Lui cependant n’avançait pas. Au bout de cinq ans, il était encore brigadier. C’est qu’à vrai dire tout dans sa manière d’être semblait anormal et bizarre. Son cerveau s’hallucinait parfois et l’inconsciente aberration de son esprit tenait en échec sa destinée.

Il faisait partie de la colonne du duc de Reggio durant la sinistre retraite de Moscou. Un coup de sabre qu’il reçut à la tête au passage de la Bérésina et le froid du bivouac durant sa convalescence amenèrent un dérangement de plus en plus sensible dans ses facultés mentales.

En 1814, Victor rentra dans ses foyers avec un congé de réforme. En 1815, Maurice y rentra à son tour avec une mise en demi-solde. La mise en demi-solde était la situation faite aux anciens officiers du Titan foudroyé, non ralliés au nouveau régime.

Alors commença pour les deux frères une vie d’aventures et de vagabondage international en partie double, qui fait que l’on se demande lequel des deux se montra le plus excentrique.

Maurice, impatient des loisirs que lui faisait la politique, incapable de se plier aux calmes habitudes d’une vie sédentaire, ne fit qu’un bond de sa bourgade auvergnate aux gorges du Venezuela. Là se battait le libérateur de la Colombie, l’intrépide Bolivar, pour l’indépendance de l’Amérique du Sud ; là par suite était la place d’un débris de la grande armée. Il se joignit aux bandes irrégulières, prit part aux guérillas contre Monteverde et Morillo ; mais climat et tactique lui déplurent bien vite. Après quelques semaines de lutte sous les murs de Caracas, il reprit la mer et aborda au golfe de Naples. Il se rangea sous la bannière du général Pepe, commandant