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L’ART POÉTIQUE.

Ses écrits pleins de feu partout brillent aux yeux.
De ces maîtres savans, disciple ingénieux,
Regnier seul parmi nous, formé sur leurs modèles,
Dans son vieux style encore a des grâces nouvelles.
Heureux, si ses discours, craints du chaste lecteur,
Ne se sentaient des lieux que fréquentait l’auteur,
Et si du son hardi de ses rimes cyniques
Il n’alarmait souvent les oreilles pudiques !
Le latin dans les mots brave l’honnêteté,
Mais le lecteur français veut être respecté :
Du moindre sens impur la liberté l’outrage,
Si la pudeur des mots n’en adoucit l’image.
Je veux dans la satire un esprit de candeur,
Et fuis un effronté qui prêche la pudeur.
D’un trait de ce poëme, en bons mots si fertile,
Le Français, né malin, forma le vaudeville,
Agréable indiscret, qui, conduit par le chant,
Passe de bouche en bouche, et s’accroît en marchant.
La liberté française en ses vers se déploie :
Cet enfant du plaisir veut naître dans la joie.
Toutefois, n’allez pas, goguenard dangereux,
Faire Dieu le sujet d’un badinage affreux.
À la fin, tous ces jeux, que l’athéisme élève,
Conduisent tristement le plaisant à la Grève.
Il faut, même en chansons, du bon sens et de l’art.
Mais pourtant on a vu le vin et le hasard