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L’ART POÉTIQUE.

Mène Achille sanglant aux bords du Simoïs,
Ou fait fléchir l’Escaut sous le joug de Louis.
Tantôt, comme une abeille ardente à son ouvrage,
Elle s’en va de fleurs dépouiller le rivage :
Elle peint les festins, les danses et les ris ;
Vante un baiser cueilli sur les lèvres d’Iris,
Qui mollement résiste, et, par un doux caprice,
Quelquefois le refuse, afin qu’on le ravisse.
Son style impétueux souvent marche au hasard :
Chez elle un beau désordre est un effet de l’art.
Loin ces rimeurs craintifs dont l’esprit flegmatique
Garde dans ses fureurs un ordre didactique ;
Qui chantant d’un héros les progrès éclatans,
Maigres historiens, suivent l’ordre des tems.
Ils n’osent un moment perdre un sujet de vue,
Pour prendre Dôle, il faut que Lille soit rendue,
Et que leur vers exact ainsi que Mézeray,
Ait fait déjà tomber les remparts de Courtray :
Apollon de son feu leur fut toujours avare.
On dit à ce propos qu’un jour ce dieu bizarre,
Voulant pousser à bout tous les rimeurs françois,
Inventa du sonnet les rigoureuses lois ;
Voulut qu’en deux quatrains de mesure pareille,
La rime avec deux sons frappât huit fois l’oreille ;
Et qu’ensuite, six vers, artistement rangés,
Fussent en deux tercets par le sens partagés.