Page:L’Art priapique, parodie des deux premiers chants de l’art poétique, 1864.djvu/39

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
L’ART POÉTIQUE.

Il vous comble partout d’éloges fastueux :
La vérité n’a point cet air impétueux.
Un sage ami, toujours rigoureux, inflexible,
Sur vos fautes jamais ne vous laisse paisible.
Il ne pardonne point les endroits négligés,
Il renvoie en leur lieu les vers mal arrangés,
Il réprime des mots l’ambitieuse emphase ;
Ici le sens le choque, et plus loin c’est la phrase,
Votre construction semble un peu s’obscurcir,
Ce terme est équivoque, il le faut éclaircir.
C’est ainsi que vous parle un ami véritable.
Mais souvent sur ses vers un auteur intraitable,
À les protéger tous se croit intéressé,
Et d’abord prend en main le droit de l’offensé.
De ce vers, direz-vous, l’expression est basse.
— Ah ! monsieur, pour ce vers je vous demande grâce,
Répondra-t-il d’abord. — Ce mot me semble froid ;
Je le retrancherais. — C’est le plus bel endroit !
— Ce tour ne me plaît pas. — Tout le monde l’admire !
Ainsi toujours constant à ne point se dédire,
Qu’un mot dans son ouvrage ait paru vous blesser,
C’est un titre chez lui pour ne point l’effacer.
Cependant, à l’entendre, il chérit la critique,
Vous avez sur ses vers un pouvoir despotique,
Mais tout ce beau discours dont il vient vous flatter
N’est rien qu’un piége adroit pour vous les réciter.