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L’ART POÉTIQUE.

Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage,
Vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage ;
Polissez-le sans cesse, et le repolissez ;
Ajoutez quelquefois, et souvent effacez.
C’est peu qu’en un ouvrage où les fautes fourmillent
Des traits d’esprit semés de tems en tems pétillent :
Il faut que chaque chose y soit mise en son lieu,
Que le début, la fin répondent au milieu,
Que d’un art délicat les pièces assorties
N’y forment qu’un seul tout de diverses parties,
Que jamais du sujet le discours s’écartant
N’aille chercher trop loin quelque mot éclatant.
Craignez-vous pour vos vers la censure publique ?
Soyez-vous à vous-même un sévère critique :
L’ignorance toujours est prête à s’admirer.
Faites-vous des amis prompts à vous censurer ;
Qu’ils soient de vos écrits les confidents sincères,
Et de tous vos défauts les zélés adversaires.
Dépouillez devant eux l’arrogance d’auteur,
Mais sachez de l’ami discerner le flatteur :
Tel vous semble applaudir qui vous raille et vous joue.
Aimez qu’on vous conseille, et non pas qu’on vous loue.
Un flatteur aussitôt cherche à se récrier,
Chaque vers qu’il entend le fait extasier,
Tout est charmant, divin, aucun mot ne le blesse,
Il trépigne de joie et pleure de tendresse,