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L’ART POÉTIQUE.

Marot bientôt après fit fleurir les ballades,
Tourna des triolets, rima des mascarades,
À des refrains réglés asservit les rondeaux,
Et montra pour rimer des chemins tout nouveaux.
Ronsard, qui le suivit, par une autre méthode,
Réglant tout, brouilla tout, fit un art à sa mode,
Et toutefois longtemps eut un heureux destin ;
Mais sa muse, en français parlant grec et latin,
Vit dans l’âge suivant, par un retour grotesque,
Tomber de ses grands mots le faste pédantesque.
Ce poète orgueilleux, trébuché de si haut,
Rendit plus retenus Desportes et Bertaut ;
Enfin Malherbe vint, et le premier en France
Fit sentir dans les vers une juste cadence,
D’un mot mis en sa place enseigna le pouvoir,
Et réduisit la muse aux règles du devoir.
Par ce sage écrivain la langue réparée
N’offrit plus rien de rude à l’oreille épurée ;
Les stances avec grâce apprirent à tomber,
Et le vers sur le vers n’osa plus enjamber.
Tout reconnut ses lois, et ce guide fidèle
Aux auteurs de ce temps sert encor de modèle.
Marchez donc sur ses pas, aimez sa pureté,
Et de son tour heureux imitez la clarté.
Si le sens de vos vers tarde à se faire entendre,
Mon esprit aussitôt commence à se détendre,