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L’ART POÉTIQUE.

Distingua le naïf du plat et du bouffon,
Et laissa la province admirer le Typhon.
Que ce style jamais ne souille votre ouvrage ;
Imitons de Marot l’élégant badinage,
Et laissons le burlesque aux plaisants du Pont-Neuf.
Mais n’allez point aussi, sur les pas de Brébeuf,
Même en une Pharsale, entasser sur les rives
« De morts et de mourants cent montagnes plaintives. »
Prenez mieux votre ton. Soyez simple avec art,
Sublime sans orgueil, agréable sans fard ;
M’offrez rien au lecteur que ce qui peut lui plaire ;
Ayez pour la cadence une oreille sévère ;
Que toujours dans vos vers le sens coupant les mots
Suspende l’hémistiche, en marque le repos.
Gardez qu’une voyelle, à courir trop hâtée,
Ne soit d’une voyelle en son chemin heurtée.
Il est un heureux choix de mots harmonieux ;
Fuyez des mauvais sons le concours odieux :
Le vers le mieux rempli, la plus noble pensée
Ne peut plaire à l’esprit quand l’oreille est blessée.
Durant les premiers ans du Parnasse françois,
Le caprice tout seul faisait toutes les lois ;
La rime, au bout des mots assemblés sans mesure,
Tenait lieu d’ornement, de nombre et de césure.
Villon sut le premier, dans ces siècles grossiers,
Débrouiller l’art confus de nos vieux romanciers ;