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L’ART DE SÉDUIRE LES HOMMES

qui appartenait à un ami de mon père et qui vint se poser sur ma jambe et la presser étrangement, un jour que j’étais en train de lire au salon.

Je respirai son haleine dans celle d’une dame au teint flétri, aux dents jaunes, qui, lorsqu’elle venait en visite, me prenait la tête à deux mains et, malgré ma résistance, posait une bouche, mouillée volontairement, sur mes lèvres fraîches.

Je le vis dans les regards troubles posés sur mes mollets nus, dans les inscriptions des murailles, dans leurs dessins primitifs, qui ne sont compréhensibles qu’aux petites filles qui ont des frères, dans les déchirures qu’on fait subir aux personnages des affiches.

Je l’entendis dans des paroles obscènes chuchotées hâtivement par des hommes qui me croisaient dans la rue, le soir. Ce fut lui qui me pinça si souvent, dans les foules du 14 Juillet, à un endroit dont je ne pouvais m’expliquer le choix.

Il animait, à la pension, les yeux de mes camarades plus âgés ; il inspirait à une sous-maîtresse aux yeux brillants des caresses trop tendres ; il fut la mélancolie de mon frère, rentrant, le soir, de la promenade avec la nostalgie des femmes rencontrées.

Toute la petite ville de T…, que j’habitais en