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cadavres de ceux qui sont morts. Agramant avait emmené avec lui tous les navires qui se trouvaient à sa portée ; le reste avait été brûlé dans les ports. Roger, après avoir un instant réfléchi, se dirige vers Marseille, en longeant le rivage.

Il pense qu’il y trouvera quelque navire qui, de gré ou de force, le transportera sur l’autre bord. Le fils d’Ogier le Danois y était déjà arrivé avec la flotte des Barbares faite prisonnière. On n’aurait pu jeter un grain de mil dans l’eau, tellement elle était couverte de navires appartenant soit aux vainqueurs, soit aux vaincus.

Les navires des païens, que le feu ou la tempête avait épargnés dans cette nuit terrible, avaient été, à l’exception de quelques-uns qui avaient pu s’enfuir, conduits par Dudon dans le port de Marseille. Parmi les prisonniers se trouvaient sept rois africains qui, après avoir vu tous leurs soldats massacrés, s’étaient rendus avec leurs sept navires. Ils se montraient fort abattus, et versaient des larmes silencieuses.

Dudon était descendu sur la plage, avec l’intention d’aller trouver Charles le jour même, et il avait ordonné une marche triomphale où devaient figurer les captifs et leurs dépouilles. Il avait fait ranger tous les prisonniers sur le rivage, et les Nubiens victorieux les entouraient joyeusement, et faisaient retentir les airs du nom de Dudon.

Roger, les apercevant de loin, accourt dans l’espérance que cette flotte était celle d’Agramant,