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« Que je sois le premier ou le second, pourvu que je ne reste pas en dehors du combat – dit Agramant – je ne récriminerai pas. Je sais bien que je ne saurais trouver, dans le monde entier, un compagnon d’armes meilleur que toi. » « Et moi – dit Sobrin – où resterai-je ? Si vous me dites que je suis trop vieux, je vous réponds que je n’en suis que plus expérimenté, et qu’à l’heure du péril il est bon que le conseil soit à côté de la force. »

Sobrin était d’une vieillesse valide et robuste, et capable de faire encore de fameuses prouesses. Il ajouta qu’il se sentait aussi vigoureux qu’il l’avait été jadis dans sa verte jeunesse. Sa demande parut juste, et sur-le-champ ils expédièrent un envoyé sur les rivages africains, chargé de défier de leur part le comte Roland,

Et de lui dire d’avoir à se trouver, avec un nombre égal de chevaliers en armes, dans l’île de Lampéduse. C’est une petite île, presque ensevelie sous la mer qui l’entoure. Le messager, auquel la plus grande promptitude avait été recommandée, fit force de voiles et de rames, jusqu’à ce qu’il fût arrivé à Biserte. Là, il trouva Roland qui partageait entre les siens le butin et les prisonniers.

L’invitation de Gradasse, d’Agramant et de Sobrin, faite en public, fut si agréable au prince d’Anglante, qu’il combla de présents le messager. Il avait appris de ses compagnons que le roi Gradasse portait Durandal à son côté, et il avait formé le projet d’aller jusque dans l’Inde pour la reprendre.