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vais ; le troisième jour, il mit à la voile, croyant pouvoir retourner en Afrique.

Le roi Marsile, ayant grand’peur que l’Espagne ne payât les frais de la guerre, et que l’horrible tempête ne s’abattît en dernier lieu sur ses États, se transporta en toute hâte à Valence, où il fit sur-le-champ réparer châteaux et forteresses, et presser les préparatifs de la guerre qui devait par la suite amener sa ruine et celle de ses amis.

Agramant faisait voile vers l’Afrique avec des navires mal armés et presque vides d’équipages. Les rares soldats qu’elle ramenait, se lamentaient de ce que les trois quarts d’entre eux étaient restés en France. Les uns traitaient le roi d’orgueilleux, les autres l’appelaient cruel, d’autres le qualifiaient de fou, et, comme il advient en pareil cas, tous le maudissaient en secret. Mais la crainte qu’ils en ont les fait rester cois.

C’est à pe ! ne si parfois deux ou trois amis, sûrs de leur discrétion, épanchaient entre eux leur colère et leur rage. Toutefois le malheureux Agramant s’imaginait encore que chacun l’aimait et le plaignait, car il ne voyait autour de lui que des visages composés, et n’entendait jamais que des paroles d’adulation mensongère.

On avait conseillé au roi africain de ne pas aborder à Biserte, car on avait la nouvelle certaine que le port et tout le littoral étaient au pouvoir de l’armée nubienne. Il ferait bien, en conséquence, de s’en éloigner assez pour que le débarquement ne fût pas inquiété. Une fois à terre,