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vie ; chacun maudissait les colères et les fureurs qui les poussaient à des combats et à des dangers sans cesse renouvelés.

Renaud, très fier de voir que Charles a eu plus de confiance en lui qu’en tout autre, se prépare joyeusement à la glorieuse entreprise dont on l’a chargé. Il fait peu de cas de Roger. Il ne croit vraiment pas qu’il puisse lui résister ; car il ne le considère pas comme son égal, bien qu’il ait occis Mandricard en champ clos.

De son côté, bien que ce lui soit un grand honneur d’avoir été choisi par son roi comme le meilleur parmi les meilleurs, dans une circonstance si grave, Roger se montre plein d’ennui et de tristesse. Ce n’est pas que la crainte lui fasse battre le cœur ; il ne tremblerait pas devant Renaud et Roland réunis.

Mais Renaud a pour sœur sa chère et fidèle épouse, qui ne cesse de le presser et de le tourmenter par ses lettres, comme si elle était fortement fâchée contre lui. Or, si aux anciens griefs qu’elle a contre lui, il ajoute celui d’avoir accepté le combat avec son frère et de l’avoir mis à mort, il lui deviendra tellement odieux, qu’il ne pourra plus jamais l’apaiser.

Si Roger s’afflige en silence et songe avec angoisse à la bataille que malgré lui il sera forcé d’accepter, sa chère femme pleure et se lamente, dès qu’elle a appris la nouvelle. Elle se frappe le sein, elle déchire sa chevelure dorée, elle meurtrit ses joues inondées de larmes. Elle multiplie ses