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jaillit de ses blessures comme de deux fontaines, et rougit au loin la terre. Roger qui sent que la Fortune est pour lui, redouble d’efforts. Afin d’empêcher le Sarrasin de se relever, il lui porte d’une main le poignard à la visière, de l’autre il le tient à la gorge ; avec ses genoux, il lui presse le ventre.

Parfois, dans les mines d’or de la Pannonie ou de l’Ibérie, un éboulement subit vient ensevelir ceux que leur avarice y a fait descendre ; les malheureux sont tellement étouffés, que leur souffle peut à peine s’exhaler. Il en est de même du Sarrasin, oppressé sous le poids de son vainqueur et renversé par terre.

Roger a tiré son poignard ; il en porte la pointe à la visière de Rodomont et lui crie de se rendre, en lui promettant de lui laisser la vie. Mais celui-ci, qui redoute moins de mourir que de montrer un seul instant de faiblesse, s’agite, se secoue et, sans répondre, cherche à mettre Roger sous lui.

De même qu’un mâtin, renversé par un dogue féroce qui lui a enfoncé ses crocs dans la gorge, s’agite et se débat en vain, les yeux ardents et la gueule baveuse, et ne peut se débarrasser de son redoutable adversaire qui le surpasse en force mais non en rage, ainsi le païen finit par perdre tout espoir de se délivrer de l’étreinte de Roger victorieux.

Cependant, il se tord et se débat de telle sorte qu’il réussit à dégager son bras droit et à tirer son poignard. Il cherche à frapper Roger sous les