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Elle prononça ces paroles avec tant de colère, d’un air si hautain, que la plupart des assistants crurent qu’elle allait commencer l’attaque sans attendre l’autorisation de Charles. Ce voyant, Léon ne crut pas devoir cacher plus longtemps Roger. Il lui ôta son casque, et, se tournant vers Marphise : « Le voici — dit-il — tout prêt à vous tenir tête. »

Le vieil Égée, en reconnaissant à l’épée que portait Thésée, que c’était à son fils que son épouse criminelle avait versé le poison — et s’il eût tardé plus longtemps à le reconnaître il aurait été trop tard, — le vieil Égée, dis-je, ne fut pas plus stupéfait que Marphise, quand elle reconnut que le chevalier qu’elle haïssait était Roger.

Elle courut se jeter dans ses bras et ne pouvait se détacher de son cou. Renaud, Roland, et Charles tout le premier, l’embrassèrent avec effusion. Dudon, Olivier, le roi Sobrin ne pouvaient se rassasier de lui prodiguer leurs caresses. C’était à qui, des paladins et des barons, ferait le plus fête à Roger.

Quand les embrassements eurent cessé, Léon, très savant à bien dire, recommença, en présence de Charles, à rappeler à tous ceux qui l’écoutaient, comment la vaillance, l’audace, déployées par Roger à Belgrade, avaient effacé en lui le ressentiment qu’il eût dû éprouver du dommage souffert par son armée.

Il avait été pris d’une telle amitié pour Roger, qu’aussitôt qu’il eut appris que ce dernier avait été fait prisonnier et livré à sa plus cruelle ennemie,