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l’astuce, pourront te tirer de peine. Si tout cela ne réussit pas, tu pourras toujours avoir recours à la mort. Mais tu ne dois pas en venir à cette extrémité, avant d’avoir fait tout ce qu’il faut pour l’éviter. »

Il poursuit en lui adressant de si touchantes prières, en lui faisant entendre un langage si doux, si affectueux, que Roger ne peut se défendre d’en être ému, car son cœur n’est ni de fer, ni de marbre. Il comprend que, s’il refuse une réponse, il commettra un acte de discourtoisie et de grossièreté. Il va. pour répondre, mais à deux ou trois reprises, les mots lui rentrent dans la gorge avant de pouvoir sortir de sa bouche.

« Mon seigneur — dit-il enfin — quand tu sauras qui je suis— et je vais te le dire sans plus tarder — je suis certain que tu ne seras pas moins désireux que moi de me voir mourir. Sache que je suis celui que tu hais tant ; je suis Roger, qui t’ai également haï autrefois. C’est dans l’intention de te donner la mort que j’avais, il y a quelque temps, quitté cette cour.

« Je voulais t’empêcher de m’enlever Bradamante, car je voyais bien qu’Aymon s’était prononcé en ta faveur. Mais l’homme propose et Dieu dispose ; ta générosité envers moi me fit changer de sentiments, et non seulement je dépouillai la haine que je t’avais d’abord portée, mais je me fis pour toujours ton fidèle.

« Ne sachant pas que j’étais Roger, tu m’as prié de te faire avoir Bradamante ; c’était m’arra-