Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/266

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

secourir et de lui reudre le courage, il ne tardera pas à mourir.

« Le meilleur chevalier qui ait jamais porté épée au côté ou écu à son bras ; le plus beau, le plus accompli qui ait jamais existé au monde, est sur le point de mourir des suites d’un acte de générosité, si personne ne vient à son aide. De par Dieu, seigneur, venez vite et essayez, si vous pouvez, quelque chose pour le sauver. »

Il vint sur-le-champ à la pensée de Léon que le chevalier dont parlait son interlocutrice était celui qu’il avait fait chercher partout et qu’il cherchait lui-même. Aussi s’empressa-t-il de la suivre. Mélisse lui montrant le chemin, ils ne tardèrent pas à arriver à l’endroit où Roger était près de mourir.

Lorsqu’ils le trouvèrent, il n’avait pris aucune nourriture depuis trois jours, et il était si abattu, que, s’il s’était à grand’peine levé, il serait vite retombé, s’il n’avait pas expiré. Il était étendu, tout armé, sur le sol, le casque en tête et l’épée au côté. Il s’était fait un oreiller avec l’écu sur lequel était peinte la licorne blanche.

Là, pensant à l’offense qu’il a faite à sa dame, et combien il a été ingrat envers elle, il s’abîme dans sa douleur. Son affliction est telle, qu’il se mord les mains et les lèvres, et ne cesse de répandre des torrents de larmes. Il est tellement absorbé dans sa pensée, qu’il ne voit venir ni Léon, ni Mélisse.

Il n’interrompt point ses lamentations ; il ne cesse de soupirer et de verser des pleurs. Léon