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ter un coup qui pût la blesser, changent de sentiment à son égard, et disent : « Ils se conviennent bien tous deux, car il est digne d’elle, et elle est digne de lui. »

Dès que Phébus s’est tout entier caché dans la mer, Charles fait arrêter le combat ; il décide que la dame doit prendre Léon pour son époux, et qu’elle ne peut plus refuser. Roger, sans prendre le moindre repos, sans ôter son casque ou s’alléger d’une seule pièce de son armure, monte sur une petite haquenée, et se hâte de regagner la tente où Léon l’attend.

Léon se jette à plusieurs reprises au cou du chevalier qu’il accueille comme un frère. Il lui retire lui-même son casque, et l’embrasse avec de grands témoignages d’affection : « Je veux — dit-il — que tu fasses compte de moi comme de toi ; sans jamais me lasser, tu peux disposer de ma personne et de mes États selon ton désir.

« Je ne vois pas de récompense qui puisse jamais m’acquitter de l’obligation que je viens de contracter envers toi, quand même je m’ôterais la couronne de la tête pour la poser sur la tienne. » Roger, sous le coup d’une angoisse amère, et maudissant la vie, lui répond à peine. Il rend à Léon ses insignes, et reprend la devise de la Licorne.

Feignant d’être fatigué et las, il prend congé de lui le plus tôt qu’il peut, et rentre tout armé dans sa tente, un peu après minuit. Aussitôt il selle son destrier, et sans se faire accompagner, sans pré-