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de ne l’atteindre que là où il pense lui nuire le moins. La dame, avant que le jour ne s’achève, n’a d’autre désir que de mettre fin au combat.

Elle se rappelle le ban publié, et s’aperçoit du danger qu’elle court, si, à la fin du jour, elle n’a pas tué ou fait prisonnier celui qui l’a provoquée. Déjà Phébus est prêt à plonger sa tête dans les flots par derrière les colonnes d’Hercule, lorsqu’elle commence à se défier de ses forces, et à perdre l’espérance.

Mais plus son espérance décroît, plus sa colère augmente, et plus elle redouble ses bottes furieuses. Elle voudrait mettre en pièces d’un seul coup ces armes dont elle n’a pu, pendant tout un jour, détacher une seule maille. C’est ainsi que l’ouvrier en retard pour un travail qu’il doit livrer, et qui voit venir la nuit, se dépêche en vain, s’inquiète et se fatigue, jusqu’à ce que les forces viennent à lui manquer en même temps que le jour.

Ô malheureuse damoiselle ! si tu connaissais celui à qui tu veux donner la mort ; si tu savais que c’est Roger, auquel la trame de ta vie est attachée ; tu voudrais j’en suis sûr te tuer plutôt que d’essayer de le faire périr, car je sais que tu l’aimes plus que toi-même. Et quand tu sauras que c’est Roger, tu regretteras, je le sais, les coups que tu lui portes maintenant.

Charles et la plupart de ceux qui l’entourent, croyant que c’est Léon et non Roger qui combat, et voyant combien il a déployé de force et d’adresse contre Bradamante, sans jamais lui por-