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rage et de colère, et ne veut pas s’en aller sans s’être vengé, ainsi Marganor, plus cruel qu’un dogue ou qu’un serpent, s’acharne contre le corps inanimé de Drusille.

« Mais bien qu’il l’ait mis en pièces, la fureur du félon n’est pas assouvie ; il se précipite sur les femmes dont le temple est plein. Sans choisir l’une plutôt que l’autre, il fait de nous, avec son épée cruelle et impitoyable, ce que le paysan fait de l’herbe avec sa faulx. Rien ne peut nous préserver de ses coups ; en un instant, il en tue trente et en blesse bien cent.

« Il est tellement redouté de ses gens, que pas un des chevaliers présents n’est assez hardi pour relever la tête ; les femmes fuient hors de l’église avec le menu peuple. Il ne reste que ceux qui ne peuvent sortir. Enfin ce fou furieux est retenu par ses amis, qui lui opposent une résistance mêlée de respect, et le supplient de se calmer. Laissant en bas tout le monde dans les pleurs, on l’entraîne dans son château sur la cime du roc.

« Cependant sa colère durant toujours, et ses amis ainsi que le peuple le suppliant de ne pas exterminer complètement les femmes sur ses domaines, il prend le parti de les chasser toutes. Le jour même, il fait publier un ban leur enjoignant de quitter le pays, et leur assignant ce village pour résidence. Malheur à celle qui s’approchera davantage du château !

« C’est ainsi que les maris furent séparés de leur femme, les fils de leur mère. Quelques-uns