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si elle avait l’air de consentir à ce qu’elle ne veut pas faire. Elle ne veut pas parce qu’elle ne peut pas. Aymon lui a enlevé le pouvoir de disposer peu ou prou d’elle même.

Elle n’ose ni dire non, ni se montrer satisfaite. Elle se contente de soupirer sans répondre. Mais quand elle est seule, et que personne ne peut la voir, ses yeux répandent des torrents de larmes. Elle se frappe la poitrine, et déchire sa belle chevelure blonde, et se parle ainsi tout en pleurant :

« Hélas ! puis-je vouloir le contraire de celle qui doit posséder tout pouvoir sur ma volonté ? J’aurais la volonté de ma mère en si petite estime, que je la ferais passer après ma propre volonté ? Ah ! quelle faute plus grave une damoiselle peut-elle commettre ? quel blâme plus grand peut-elle encourir, que de prendre un mari contre la volonté de ceux auxquels elle doit obéissance ?

« Ah ! malheureuse ! la piété filiale pourra-t-elle m’amener à t’abandonner, ô mon Roger, et faire que je me livre à de nouvelles espérances, à de nouveaux désirs, à un nouvel amour ? Ou bien, oubliant le respect et la soumission que les bons fils doivent aux bons parents, ne dois-je considérer que mon bien, que ma joie, que mon affection ?

« Je connais, hélas ! ce que j’ai à faire ; je sais quel est le devoir d’une honnête fille ; je le sais, mais à quoi cela me sert-il, si la raison a moins de pouvoir que mes sens ; si Amour la repousse