Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 4.djvu/193

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mart était mort. Son cœur éprouve un tel saisissement, que ses yeux se ferment soudain, et que, perdant tout sentiment, elle se laisse tomber sur le sol comme morte.

Quand elle revient à elle, elle porte les mains à ses cheveux et à ses belles joues ; elle les arracha et les déchira, répétant en vain le nom cher à son cœur. Elle arrache ses cheveux, et les jette autour d’elle ; elle pousse des cris, et se roule à terre comme une femme possédée du démon, et comme jadis on en entendait pousser aux Ménades furieuses.

Elle prie tantôt Astolphe, tantôt Sansonnet de lui donner un couteau, pour se le plonger dans le cœur. Tantôt elle veut courir au port, à l’endroit où est mouillé le navire qui a apporté les corps de Gradasse et d’Agramant ; elle veut déchirer leurs cadavres de ses mains, et tirer ainsi une vengeance sauvage et féroce. Tantôt elle veut passer la mer, et aller au-devant de Brandimart pour mourir à côté de lui.

« Oh ! Brandimart — disait-elle — pourquoi t’ai-je laissé partir sans moi pour une pareille entreprise ? Jamais plus tu n’étais parti sans que ta Fleur-de-Lys te suivît. Si j’étais allée avec toi, je t’aurais été grandement utile. J’aurais eu sans cesse les yeux fixés sur toi, et quand j’aurais vu Gradasse prêt à te frapper par derrière, je t’aurais prévenu par un seul cri.

« Peut-être même aurais-je été assez prompte pour me jeter entre vous deux et recevoir le coup qui t’était destiné. Je t’aurais fait un bouclier de