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soin ; il le consolait par de douces paroles, comme s’il eût été de sa famille ; car, après le combat, il ne gardait aucune trace de colère, et son cœur était tout à la clémence. Il fit ramasser les armes et les chevaux des morts, et laissa le reste aux serviteurs.

Ici, je dois avouer que Frédéric Fulgose doute quelque peu de la véracité de mon histoire, car, ayant visité avec sa flotte les moindres recoins du rivage barbaresque, il descendit sur l’île où eut lieu le combat des six chevaliers, et en trouva le sol si montueux, si inégal, qu’il n’y a pas, dit-il, un seul endroit où l’on puisse mettre le pied à plat.

Il ne peut tenir pour vraisemblable que, sur cet écueil accidenté, six chevaliers, la fleur du monde entier, aient pu se livrer cette bataille à cheval. Je réponds à cette objection qu’au temps de Roland il y avait, sur la droite, une plaine assez vaste, qui depuis fut recouverte par suite de l’éboulement d’un immense rocher, détaché de sa base lors d’un tremblement de terre.

C’est pourquoi, ô splendeur éclatante de la race des Fulgoses, ô lumière sereine et toujours plus vivace, si vous me prenez encore à partie sur ce point, et surtout devant cet invincible duc, grâce auquel votre patrie jouit maintenant d’un doux repos et voit l’amour succéder pour elle à la haine, je vous prie de lui dire sans retard qu’il se peut fort bien qu’en cette circonstance je n’aie point dit un mensonge.