délateurs, et ceux qui vivent au sein des cours et qui y sont beaucoup plus estimés que les hommes vertueux et bons ;
« Ceux qu’on appelle courtisans gentils parce qu’ils savent imiter l’âne et le pourceau, aussitôt que la Parque inflexible, ou bien Vénus et Bacchus, ont coupé le fil de la vie de leur maître ; ceux-là que je viens de t’indiquer comme des gens lâches et vils, nés seulement pour s’emplir le ventre de nourriture, portent pendant quelques jours le nom de ce maître dans leur bouche, puis le laissent tomber dans l’oubli, comme trop lourd.
« Mais, de même que les cygnes, qui vont chantant joyeusement, arrachent les médailles au fleuve, et les portent au temple, ainsi les hommes remarquables sont sauvés, par les poètes, de l’oubli plus impitoyable que la mort. Bien avisés, bien inspirés furent les princes qui, suivant l’exemple de César, se firent l’ami des écrivains ; ils n’ont point à craindre les eaux du Léthé.
« Ils sont, comme les cygnes, rares aussi les poètes non indignes de ce nom, et cela non seulement parce que le ciel ne veut pas qu’il y ait jamais une trop grande abondance d’hommes remarquables, mais encore parce que l’avarice des princes laisse dans la pauvreté les écrivains de génie. En opprimant la vertu et en honorant le vice, ils bannissent les beaux-arts.
« Sois persuadé que Dieu a privé ces ignorants de toute intelligence, et leur refuse toute lumière ; en les rendant rebelles à la poésie, il a voulu que