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qui semble diviser l’Océan en deux mers différentes, et parcourent tous les rivages, toutes les îles voisines de l’Inde, de l’Arabie et de la Perse. D’autres, laissant à leur droite et à leur gauche les bords illustrés par les ouvrages d’Hercule, imitent le soleil dans sa course circulaire, et retrouvent de nouvelles terres et un nouveau monde.

« Je vois la Sainte Croix et l’étendard impérial se dresser sur une verte plage. Je vois les chefs nommés, les uns pour conduire les vaisseaux, les autres pour faire la conquête des pays découverts. Je vois dix de ces aventuriers mettre en fuite des milliers d’Indiens, et soumettre à l’Aragon toutes les terres qui s’étendent de ces contrées jusqu’aux Indes. Je vois les capitaines de Charles-Quint victorieux partout où ils portent leurs pas.

« Dieu veut que cette route ait été inconnue dans l’antiquité, et le soit encore longtemps. Il ne la laissera connaître que dans six_ ou sept siècles d’ici. Il réserve cette découverte à l’époque où le monde sera sous le sceptre du plus sage et du plus juste empereur qui ait existé depuis Auguste, et qui existera jamais.

« Du sang d’Autriche et d’Aragon, je vois naître sur la rive gauche du Rhin un prince qui n’aura point son pareil pour la valeur parmi ceux dont on parle ou sur lesquels on écrit. Je vois Astrée, par lui remise sur le trône, reparaître vivante et comme ressuscitée ; je vois les vertus que le monde avait chassées lorsqu’il la chassa elle-même, rappelées par lui de l’exil.