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prend la fuite, troublant l’ordre de la fête, au milieu des éclats de rire de la foule.

Les applaudissements ironiques, les huées de la populace s’élèvent derrière lui. Comme le loup pourchassé, Martan se réfugie en toute hâte dans son logement. Griffon est resté dans la lice. Il lui semble que la honte de son compagnon rejaillit sur lui et le souille. Il voudrait être au milieu des flammes, plutôt que de se trouver en un lieu semblable.

Le feu de la colère, qui lui embrase le cœur, envahit son visage, comme si toute cette honte était sienne. Il voit que le peuple s’attend à ce que ses actes porteront la même marque que ceux de son compagnon. Il faut donc que son courage apparaisse plus clair que la flamme d’une lampe, car s’il bronche d’un pouce, d’un doigt, on dira, sous l’influence de la mauvaise impression, qu’il a recuJé de six brasses.

Déjà Griffon, qui avait peu l’habitude d’hésiter sous les armes, tenait sa lance appuyée sur la cuisse. Il pousse son cheval à toute bride, et après un léger temps de galop il abaisse la lance et en porte un coup formidable au baron de Sidonie, qui roule à terre. Chacun se lève étonné, car on s’attendait à un résultat tout contraire.

Griffon retourne à la charge avec la même lance, qui était restée intacte ; il la brise en trois morceaux sur l’écu du sire de Laodicée. Celui-ci semble trois ou quatre fois près de tomber et reste un instant renversé sur la croupe de son cheval ;