Page:L’Arioste - Roland furieux, trad. Reynard, 1880, volume 2.djvu/60

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du bois pour voir s’il ne trouverait pas quelques chèvres, quelques daims ou quelques cerfs. Deux serviteurs le suivaient, portant son arc.

« Pendant que, heureux de nous reposer, nous attendions que notre seigneur revînt de la chasse, nous vîmes venir à nous, accourant le long du rivage, l’Ogre, ce terrible monstre. Dieu vous garde, seigneur, de voir jamais de vos yeux la face horrible de l’Ogre ! Il vaut mieux le connaître par ouï-dire que s’en approcher de façon à le voir.

« Rien ne peut lui être comparé, tellement il est long, tellement sa grandeur est démesurée. À la place d’yeux, il a sous le front deux excroissances d’os, semblables à des champignons pour la couleur. Il venait vers nous, comme je vous dis, le long du rivage, et il semblait que c’était une petite montagne qui se mouvait. Il montrait hors de sa gueule deux défenses comme celles du porc ; il avait le museau allongé et le sein plein de bave et de saleté.

« Il vint en courant, tenant son museau comme le chien braque quand il suit une piste. À cette vue, nous nous enfuîmes tous, éperdus, là où nous chassait la peur. Il nous servait de peu qu’il fût aveugle, car, en flairant le sol, il semblait mieux guidé par son odorat que s’il avait vu le jour. Il eût fallu des ailes pour fuir.

« Nous courions de çà, de là ; mais en vain nous essayions de le fuir, il était plus rapide que le vent d’autan. De quarante personnes, à peine