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Enfin un des mille coups qu’il lui avait portés l’atteignit au-dessus des épaules, à ras du menton, et lui emporta la tête avec le casque. Aussitôt, plus prompt à descendre de cheval qu’Orrile, il prit dans sa main la chevelure sanglante, remonta lestement en seile, et la porta tout courant vers le Nil, afin qu’Orrile ne pût plus la ravoir.

Celui-ci, qui ne s’était pas aperçu du fait, allait cherchant sa tête à travers la poussière ; mais dès qu’il eut compris que son adversaire l’emportait au milieu de la forêt, il courut à son destrier, sauta dessus et se mit à sa poursuite. Il aurait voulu crier : attends ; arrête, arrête ! mais le duc lui avait ôté la bouche.

Pourtant, comme il ne lui a point enlevé les talons, il se rassure et le poursuit à toute bride. Rabican, dont la vitesse est merveilleuse, le laisse bien loin derrière lui dans la campagne. Pendant ce temps, Astolphe cherche rapidement dans la chevelure, de la nuque aux sourcils, pour voir s’il ne reconnaîtra pas le cheveu fatal qui rend Orrile immortel.

Parmi une si grande quantité de cheveux, il n’en est pas un qui se distingue des autres par sa longueur ou sa tournure particulière. Quel est donc celui qu’Astolphe doit arracher, pour donner la mort à l’infâme brigand ? « Le mieux — se dit-il — est de les couper ou de les arracher tous. » Et n’ayant ni rasoirs ni ciseaux à sa disposition, il se sert de son épée, qui était si effilée qu’elle aurait pu raser.