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avec colère à la donzelle que la vieille était plus belle qu’elle,

Et qu’elle allait le prouver à son chevalier, auquel elle imposerait l’obligation de lui faire quitter sa belle robe et son palefroi, si elle le jetait à bas de son cheval. Pinabel comprenant qu’il ne peut garder le silence sans commettre une faute, s’apprête à répondre les armes à la main. Il saisit son écu et sa lance, fait prendre du champ à son destrier, puis se précipite avec colère sur Marphise.

Marphise vient à sa rencontre, sa grande lance en arrêt ; elle vise Pinabel à la visière et le jette à terre tellement étourdi, qu’il fut plus d’une heure à relever la tête. Marphise, victorieuse, fait quitter à la jeune dame ses vêtements et toutes ses parures, et en fait aussitôt revêtir la vieille.

Elle lui fait revêtir ces jeunes et riches vêtements, et la fait monter sur le palefroi qui avait amené la donzelle jusque-là. Puis elle reprend sa route, suivie de la vieille qui paraissait d’autant plus laide qu’elle était plus parée. Elles marchèrent trois jours, faisant un long chemin, sans qu’il leur arrivât rien que j’aie à noter.

Le quatrième jour, elles rencontrèrent un chevalier qui s’en venait seul au galop de son cheval. Si vous désirez savoir qui c’était, je vous dirai que c’était Zerbin, fils du roi d’Écosse, modèle de courage et de beauté, qui s’en revenait plein de colère et de chagrin de n’avoir pas tiré vengeance de celui qui l’avait empêché de faire un acte de courtoisie et de générosité.