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Le duc vient alors pour rejoindre ses compagnons qu’il croit retrouver sur le môle. Il regarde tout autour de lui sur la plage déserte, et n’en voit pas un seul. Il lève enfin les yeux, et les aperçoit qui s’éloignent à pleines voiles. Alors il est obligé de choisir une autre voie, puisque le navire qui devait l’emmener est parti.

Mais laissons-le aller. Ne vous inquiétez pas du long chemin qu’il a à parcourir seul sur la lerre des infidèles et des barbares, où l’on ne marche jamais sans crainte. Il n’est pas de péril dont il ne puisse sortir grâce à son cor, et nous venons de le voir. Occupons-nous de ses compagnons qui fuient sur mer, tout tremblants de peur.

Ils s’éloignent à pleines voiles de la plage cruelle et arrosée de sang. Lorsqu’ils sont assez loin pour que le son du cor ne puisse plus les épouvanter, une vergogne à laquelle ils ne sont point habitués les saisit, et leur visage se colore comme du feu. Ils n’osent se regarder les uns les autres, et se tiennent tristes, sans parler, les regards baissés.

Cependant le pilote, poursuivant sa route, dépasse Chypre et Rhodes, s’engage dans la mer Egée, où il voit fuir cent îles diverses, double le cap périlleux de Malée, et poussé par un vent propice qui ne cesse de souffler, il découvre la Morée de Grèce. Puis il contourne la Sicile, entre dans la mer Tyrrhénienne, et côtoie les rivages riants d’Italie.

Il aborde enfin heureusement à Luna où il avait laissé sa famille, rendant grâces à Dieu de ce