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qui ont entendu retentir près d’eux une grande rumeur.

Ainsi le cor enchanté faisait sentir son pouvoir néfaste aux amis comme aux ennemis. Sansonnet, Guidon et les deux frères fuient derrière Marphise épouvantée, et ils ne peuvent fuir assez loin pour que leur oreille ne soit pas étourdie. Astolphe parcourt la ville de tous côtés, soufflant de plus en plus dans le cor.

Toutes fuient : les unes descendent vers le port, les autres gagnent la montagne ; d’autres courent se cacher dans les bois. Quelques-unes, sans se retourner, fuient pendant dix jours. Un grand nombre s’avancent tellement hors du port, qu’elles périssent dans les flots. Elles abandonnent à tel point les places, les temples et les maisons, que la ville semble vide.

Marphise, le brave Guidon, les deux frères et Sansonnet, pâles et tremblants, fuyaient vers la mer ; derrière eux, fuyaient les matelots et les marchands. Ils trouvèrent Aléria qui, entre les deux châteaux forts, leur avait préparé un navire. Après s’y être réunis en toute hâte, ils firent force de rames et déployèrent toutes les voiles.

Le duc avait parcouru la cité, à l’intérieur et à l’extérieur depuis les collines jusqu’à la mer ; partout il avait fait déserter les lieux ; chacun le fuyait, chacun se cachait à son approche. On en trouva un grand nombre qui, par lâcheté, s’étaient blotties dans des endroits secrets et immondes ; beaucoup d’autres, ne sachant où aller, s’étaient jetées à la nage et se noyèrent.