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vaincre dix adversaires. Si, à lui seul, il vaut plus que les dix autres, il est très juste, par Dieu, qu’on lui accorde sa demande. Dans le cas contraire, il recevra une juste punition de sa témérité. » Orontée cessa alors de parler, et ce fut une des plus anciennes qui lui répondit.

« La principale raison qui nous poussa à recourir au commerce des hommes ne fut pas la défense de ce royaume ; nous n’aurions pas eu besoin pour cela de leur concours, car nous aurions très bien pu suffire à nous protéger nous-mêmes, et nous saurions encore le faire si nous ne craignions pas de voir notre postérité s’éteindre un jour.

« C’est parce que nous ne pouvions pas avoir de postérité sans leur concours, que nous les avons admis à nos côtés, mais à la condition qu’ils ne seraient jamais plus d’un contre dix d’entre nous, afin qu’ils ne pussent nous dominer. Nous avons fait cela pour avoir d’eux des enfants, et non pour le besoin de notre défense. Leur vaillance ne servirait à rien pour ce qu’ils ont à faire, et nous serait dangereuse ou inutile pour le reste.

« Avoir au milieu de nous un homme si puissant, est entièrement contraire à notre but principal. S’il peut, à lui seul, donner la mort à dix hommes, combien de femmes ne fera-t-il pas taire d’un signe ? Si nos dix champions avaient été aussi forts, ils nous auraient enlevé le pouvoir dès le premier jour. Ce n’est pas un bon