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à leur solde, en le payant largement, Phalante, — c’était le nom du jeune Grec — ainsi que tous ses compagnons, et leur confièrent la garde de la ville de Dicthyne.

« Des cent villes remarquables que comptait la Crète, Dicthyne était la plus riche et la plus plaisante. Les femmes y étaient belles et amoureuses, et, du matin au soir, la vie s’y passait dans les plaisirs et les jeux. Comme de tout temps on y avait fait aux étrangers l’accueil le plus gracieux, les Crétoises ne tardèrent pas à faire de Phalante et de ses compagnons les maîtres de leurs maisons.

« Ils étaient tous jeunes et bien faits, car Phalante avait choisi la fleur de la Grèce ; aussi, dès qu’ils apparurent, ils arrachèrent de la poitrine le cœur de toutes les belles dames. Ayant, par la suite, montré qu’ils élaient aussi bons et aussi vaillants au lit qu’ils étaient beaux, ils devinrent si chers à leurs dames, que celles-ci les préféraient à tout autre bien.

« La guerre pour laquelle Phalante avait été engagé, étant terminée, et la solde de guerre n’étant plus payée, les jeunes Grecs songèrent à quitter une ville où ils n’avaient plus rien à gagner. Ils éprouvèrent une vive résistance de la part des femmes de Crète, qui versèrent à cette occasion plus de pleurs que si leurs pères fussent morts.

« Leurs dames les supplièrent de rester ; mais voyant qu’ils ne voulaient pas y consentir, elles partirent avec eux, abondonnant pères, frères