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s’étale en amphithéâtre sur le penchant d’un coteau.

Dès que le navire est arrivé — avis en avait été donné dans toute la ville — six mille femmes, en costume de guerre et armées d’arcs, se réunissent sur le port, et, pour couper toute retraite, ferment la mer d’une forteresse à l’autre, au moyen de navires et de chaînes toujours prêts pour cet usage.

Une d’elles, aussi âgée que la sibylle de Cumes ou la mère d’Hector, fait appeler le patron et lui demande s’ils veulent se laisser mettre à mort, ou s’ils veulent se soumettre au joug ; ils ont le choix entre deux partis : mourir tous en ce lieu, ou y rester prisonniers.

« Il est vrai — disait-elle — que s’il se trouve parmi vous un homme assez courageux et assez fort pour combattre contre dix de nos hommes et leur donner la mort, puis pour remplir la nuit suivante l’office de mari auprès de dix femmes, il deviendra notre roi, et vous pourrez poursuivre votre route.

« À moins que vous ne préfériez rester aussi ; mais ceux qui voudront rester s’engageront à servir de mari à dix femmes. Si, au contraire, votre champion est vaincu par nos dix guerriers, ou s’il succombe dans la seconde épreuve, vous resterez tous comme esclaves, et lui périra. »

Là où la vieille croyait ne rencontrer que de la crainte, elle trouve une hardiesse inaccoutumée. Chacun des chevaliers se fait fort de soutenir l’une et l’autre épreuve. Quant à la seconde, ce n’est pas le cœur qui manque à Marphise pour la sur-