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paraissant plus sûr que la mer. Il leur semblait plus pénible de se voir entourés par les vagues en courroux, que de se trouver au milieu de cent mille épées. Ils redoutaient fort peu ce pays, ni tout autre où ils pouvaient se servir de leurs armes.

Les guerriers désirent aborder, surtout le duc anglais qui sait qu’avec le son de son cor il peut mettre en fuite tous les habitants de la contrée. Une partie des passagers approuve ce projet, l’autre le blâme. Une discussion s’engage. Mais le plus grand nombre se déclarent contre l’avis du patron, et le forcent à se diriger malgré lui vers le port.

À peine les a-t-on découverts de la cité cruelle, qu’une galère garnie d’une chiourme nombreuse et de matelots expérimentés, s’en vient droit au malheureux navire où règnent l’incertitude et la confusion. La galère attache à sa poupe la proue du bâtiment, et le remorque hors de la mer impitoyable.

On entre au port à force de rames plutôt qu’à l’aide de la voile, car l’alternance des brises du Sud et du Nord a fini par faire tomber le vent. Pendant ce temps, les chevaliers reprennent leurs dures cuirasses et ceignent leur fidèle épée, tout en cherchant à rendre le courage et l’espoir au patron et aux autres passagers qui tremblent de peur.

Le port ressemble au croissant de la lune, et a plus de quatre milles de tour ; l’entrée est large de six cents pas, et à chaque corne du croissant s’élève une forteresse. La ville n’a à craindre aucun assaut, si ce n’est du côté du Midi ; elle