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viennent les relever de leur garde, et ils partent. Ils franchissent fossés et palissades, et peu à peu ils pénètrent parmi les nôtres qui reposent sans précaution. Le camp dort, et tous les feux sont éteints, tellement on redoute peu les Sarrasins. Les soldats gisent à la renverse, au milieu des armes et des bagages, les yeux appesantis par le vin et le sommeil.

Cloridan s’arrête un instant et dit : « Je suis d’avis de ne jamais laisser perdre les occasions. Médor, ne dois-je pas profiter de celle-ci pour massacrer ceux qui ont tué mon maître ? Toi, dresse les yeux et les oreilles de tous côtés, afin que personne ne survienne. Je me propose de t’ouvrir avec mon épée une route spacieuse à travers les ennemis. »

Ainsi il dit, et il tint aussitôt parole. Il entre sous la tente où dort le savant Alphée, qui était venu l’année précédente à la cour de Charles comme médecin et magicien fort expert en astrologie. En cette circonstance, sa fausse science, qui, d’après lui, lui dévoilait tout l’avenir, lui fit quelque peu défaut. Elle lui avait prédit qu’il mourrait, plein d’années, dans les bras de sa femme ;

Et voilà que le rusé Sarrasin lui plonge son épée dans la gorge. Il tue quatre autres guerriers, près du devin, sans qu’ils aient le temps de pousser un cri. Turpin ne mentionne pas leurs noms, et leur mémoire s’est perdue dans la suite des temps. Après eux périt Palidon de Montcalieri, qui dormait tranquillement entre deux destriers.

Cloridan s’en vient ensuite à l’endroit où le malheureux Grillon gisait la tête sous un baril. Il