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l’amour. C’est le Sarrasin qui porte le premier coup, mais il frappe en vain sur le casque de Mambrin.

Renaud sourit et dit : « Je veux te faire voir que je sais mieux que toi trouver le point vulnérable. » Il donne de l’éperon tout en retenant la bride à son destrier, et assène à son adversaire un tel coup de pointe en pleine poitrine, que l’épée reparaît derrière les reins. Il la retire, et l’âme s’échappe avec le sang. Le corps tombe de selle, froid et exsangue.

Comme la fleur pourprée qui languit et meurt quand la charrue l’a coupée sur son passage, ou comme le pavot des jardins, qui, surchargé de rosée, penche la tête, ainsi, la face décolorée, Dardinel tombe et perd la vie. Il meurt, et avec lui s’éteignent l’ardeur et le courage de tous les siens.

De même que les eaux, un instant contenues par l’art de l’homme, lorsqu’elles viennent à rompre leur digue, tombent et se répandent de toutes parts avec un grand fracas, ainsi les Africains, qui ont tenu bon tout le temps que Dardinel leur a inspiré du courage, s’en vont débandés de côté et d’autre, maintenant qu’ils l’ont vu désarçonné et mort.

Renaud laisse échapper ceux qui veulent fuir, ne s’occupant que de ceux qui essayent de résister. Partout où passe Ariodant, qui suit de près Renaud, tout tombe. Lionel et Zerbin renversent tout autour d’eux, et font de grandes prouesses. Quant à Charles, il fait son devoir, ainsi qu’Olivier, Turpin, Guy, Salamon et Ogier.