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sans cesse sa proue à l’encontre des lames et du vent furieux, dans l’espoir qu’avec le jour la fortune finira par s’apaiser ou deviendra plus clémente.

Mais, loin de s’apaiser, elle montre, le jour venu, plus de fureur encore, si toutefois on peut appeler cela le jour, car ce n’est qu’en regardant l’heure qu’on peut reconnaître qu’il est arrivé, et non à la lumière qu’il répand. Le patron découragé s’abandonne au vent, avec plus de crainte que d’espoir. Il tourne l’arrière aux vagues, déploie les voiles basses, et se laisse emporter par la mer cruelle.

Pendant que la fortune éprouve ceux qui sont en mer, elle ne laisse pas davantage en repos ceux qui sont sur la terre ferme, je veux parler de ceux qui sont en France, où le peuple d’Angleterre s’entre-déchire avec les Sarrasins. Là Renaud attaque, entr’ouvre et disperse les bataillons ennemis, et renverse les bannières. J’ai déjà dit qu’il avait poussé son destrier Bayard contre le vaillant Dardinel.

À la vue des orgueilleux insignes gravés sur les armes du fils d’Almonte, Renaud estime qu’il a à faire à un vaillant et brave guerrier, puisqu’il ne craint pas de prendre les mêmes insignes que le comte. Il approche, et voyant Dardinel entouré d’une montagne de cadavres, cela lui semble encore plus vrai. « Mieux vaut — s’écrie-t-il — arracher le mal dans son germe, que de le laisser devenir plus grand. »