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Il frappe, il transperce, il culbute, il renverse, il taille, il fend tous ceux qui lui font obstacle ou lui résistent. Dardinel, qui s’aperçoit de son désir, est prompt à vouloir le satisfaire. Mais la multitude l’arrête aussi, et s’oppose à son dessein. Tandis que l’un extermine les Maures, l’autre fait un massacre des Écossais, des Anglais et des Français.

La Fortune ne leur permit point de se rencontrer de toute cette journée. Elle réservait l’un d’eux pour une main plus fameuse, et l’homme évite rarement son arrêt. Voici qu’elle amène Renaud de ce côlé, afin que Dardinel ne puisse échapper à la mort ; voici Renaud qui vient ; la Fortune le conduit ; c’est à lui qu’elle accorde l’honneur de tuer Dardinel.

Mais c’est assez parler des glorieux faits d’armes qui se passent dans le Ponant. Il est temps que je retourne à Griffon, que j’ai laissé plein de colère et d’indignation, chassant tumultueusement devant lui la populace affolée de terreur. Le roi Norandin était accouru à cette grande rumeur, suivi d’une troupe de plus de mille hommes d’armes.

Le roi Norandin, avec son escorte armée, voyant tout le peuple s’enfuir, accourt à la porte qu’il fait ouvrir aussitôt son arrivée, et devant laquelle il range ses gens en bataille. Pendant ce temps, Griffon, après avoir chassé loin de lui la foule lâche et sotte, avait de nouveau endossé l’armure déshonorée, la seule qui se trouvât à sa portée.