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Les lions et les taureaux, à se heurter de la poitrine et à s’étreindre, ne sont pas si féroces que les deux guerriers à s’assaillir ; du coup, ils se transpercent mutuellement leurs écus. La rencontre fit trembler, du bas en haut, les vallées herbeuses jusqu’aux collines dénudées. Et fort heureux il fut que leurs hauberts fussent bons et parfaits, pour préserver leurs poitrines.

De leur côté, les chevaux ne se détournèrent pas de la ligne droite, mais ils se cossèrent comme des moutons. Celui du guerrier païen fut tué du coup, et il était de son vivant au nombre des bons. L’autre tomba aussi, mais il se releva dès qu’il sentit au flanc les éperons. Celui du roi Sarrasin resta étendu, pesant sur son maître de tout son poids.

Le champion inconnu qui était resté debout voyant l’autre à terre avec le cheval, et estimant en avoir assez de cette rencontre, ne daigna point recommencer le combat ; mais, par l’endroit de la forêt où le chemin est ouvert, courant à toute bride, il s’éloigne. Et avant que le païen soit sorti de son embarras, il est déjà à la distance d’un mille ou à peu près.

Comme le laboureur étourdi et stupéfié, après que l’éclair est passé, se relève de l’endroit où le feu du ciel l’avait étendu près de ses bœufs morts, et aperçoit sans feuillage et déshonoré le pin que de loin il avait coutume de voir, tel se leva le païen ; remis sur pieds, Angélique étant témoin de sa rude aventure.