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L’ANARCHIE PASSIVE

clame ; car il comporte des négations si neuves, si inattendues que la majorité d’une communauté, d’un peuple ou même de l’humanité entière, ne peut saisir le côté vrai et salutaire de la négation, et la considère comme trop subversive, trop révolutionnaire, et par conséquent trop nuisible et dangereuse ; et c’est ainsi que tout le monde se sent prêt à persécuter, à supprimer, à écraser le négateur.

Mais les hommes admirent la hardiesse et le courage chez leurs semblables, et en même temps les opprimés et les persécutés leur inspirent de la pitié : à la faveur de ces deux sentiments, les idées libérales gagnent du terrain de plus en plus, recrutent des adhérents ; et à mesure que le temps passe, les idées si hardies et si libérales d’autrefois deviennent des idées à la mode, banales même ; et le vrai libéralisme, dangereux pour qui proclamait une négation tout à fait nouvelle, se propage, se vulgarise, tombe à un libéralisme de rue, à un libéralisme à bon marché. Au cours de cette évolution, il arrive même un moment où il faut plus de hardiesse, plus de courage moral pour s’ériger en défenseur de ces