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L’ŒUVRE DE GIORGIO BAFFO


On veut, en somme, que le passé déplaise,
Et bien qu’alors les choses allassent mieux,
Que ce qui se fait maintenant soit applaudi.

Les putains n’ont plus de privilège,
Elles sont chassées de partout, parce qu’on veut
Que les femmes mariées aient tous les galants.

S’asseoir sur la Piazza, cela même ne se peut,
Et pas davantage dans les plus beaux cafés,
Mais dans les maisons, en secret, c’est permis.

Et là il n’y a ni lanternes ni chandelles,
Comme dans les cafés, en conséquence
On peut y faire de jolies choses ;

Bien plus facilement se peut prendre
Une liberté à la maison, en cachette,
Qu’à la clarté d’une vive lumière.

Mais pour autant qu’ils veuillent tenir la main
À ce qu’au café n’aillent plus les femmes,
Ils n’y réussiront pas, je vous l’assure.

Et croire de plus que deviendront sages
Les femmes, en les tenant de cette manière,
Quand de leur nature elles sont putains,

Autant vaut supposer qu’une bête féroce
Perd sa fureur quand elle est en laisse ;
Mais non, elle n’est que plus indomptée et sauvage.

Une femme habituée à se faire enfiler,
Quand elle ne peut plus aller nulle part,
Par Dieu ! va se faire foutre en pleine rue ;