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L’ŒUVRE DE P.-CORNEILLE BLESSEBOIS


Mais à peine avait-elle ouvert la bouche pour en entamer le discours qu’elle fut interrompue par l’abord de deux inconnues qui entrèrent dans la chambre de Céladon sans ôter le masque[1], combien qu’elles eussent levé la palle de leur effronterie, et qui s’assirent sur son lit, sans autre forme de cérémonie. Cette nouvelle compagnie la chassa, de sorte que Céladon ne sut rien de l’histoire de cette jeune fleur qu’il venait de cueillir, sinon qu’en la reconduisant jusques au guichet, elle eut le temps de lui dire qu’elle était l’une des filles de M. Le Sage ; que naturellement on l’appelait Martichon, mais qu’elle avait abandonné cette qualité rampante pour celle de Dorimène, qui lui semblait plus belle, et dont la douceur convenait mieux à celle de ses grâces. Nos deux amants prirent ainsi congé l’un de l’autre,


  Et se jurèrent tour à tour,
Elle par Céladon, et Céladon par elle,
  Une foi constante et fidèle,
  Tant qu’ils respireraient le jour.


Dans un autre temps, Céladon aurait monté les degrés de sa chambre quatre à quatre, dans l’impatience d’aller trouver les deux inconnues qu’il avait laissées ; mais Dorimène avait un peu modéré l’excès

  1. Il était de bon ton pour les dames, à cette époque, en France, de sortir masquées. Cet usage fut probablement importé d’Italie lors de l’arrivée de Catherine de Médicis.