Page:L’Œuvre de P.-C. Blessebois, 1921.djvu/125

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

111
LE RUT OU LA PUDEUR ÉTEINTE


— Cela n’est point si mal, dit Céladon, mais écoutez ceci et me rendez justice :


Ci-dessous gît la Mort produite par la Vie,
 Qu’un cabinet arracha de ses flancs,
   Qu’un mâtin à nez et pieds blancs,
 Dont elle fut vivement poursuivie,
Mangea, comme un pourceau mange aisément des glands.


Nos poètes voulaient avoir tous trois gagné et n’étaient pas résolus de se céder le dé, quand la petite bonne femme, qui ne manquait pas d’esprit, les mit d’accord par ces quatre rimes :


   Qui que tu sois, ô passant ! tremble
   En passant près de ce tombeau :
   Par un prodige assez nouveau,
Deux monstres ennemis y reposent ensemble.


Céladon trouva la galanterie de la petite bossue digne du prix, et il dit à ses confrères, les mauvais rimeurs, qu’il la fallait régaler avec autant de cérémonie que si elle était l’aînée des neuf Sœurs. Mais quoi qu’il pût dire ou faire, Le Rocher ne voulut jamais démordre de la bonne opinion qu’il avait de son quatrain et consentit bien à payer sa part de la débauche, mais non pas à céder le laurier qu’il croyait avoir mérité.

Cette badinerie étant cessée, le beau prisonnier et son camarade se retirèrent dans leur chambre, où ce