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je le veux, et si je ne le voulais pas, je n’écrirais pas ; cela est volontaire et n’a nulle contrainte. Mais il y a dans mon cerveau une disposition matérielle qui me porte à vouloir écrire, en sorte que je ne puis pas réellement ne le point vouloir ; cela est nécessaire et n’a nulle liberté ; ainsi ce qui est volontaire est en même temps nécessaire ; et ce qui est sans liberté n’a pourtant pas de contrainte.

Concevez donc que comme le cerveau meut l’ame, en sorte qu’à son mouvement répond une pensée de l’ame, l’ame meut le cerveau, en sorte qu’à sa pensée répond un mouvement du cerveau.

L’ame est déterminée nécessairement par son cerveau à vouloir ce qu’elle veut, et sa volonté excite nécessairement dans son cerveau un mouvement par lequel elle l’exécute.

Ainsi, si je n’avais point d’ame, je ne ferais point ce que je fais, et si je n’avais point un tel cerveau, je ne le voudrais point faire.

Tous les autres mouvemens, comme celui du cœur, etc., ne sont point causés par l’ame. Elle ne fait rien que par des pensées, et ce qui n’est point l’effet d’une pensée ne vient point d’elle.

Sur ce principe je puis satisfaire aisément à tout ce qui regarde les mouvemens volontaires ; mais je veux qu’en me servant de réponse il me serve encore de nouvelles preuves.

Je suppose un fou qui veut tuer quelqu’un, et qui le tue véritablement. Le mouvement du bras de ce fou est volontaire, c’est-à-dire produit par l’ame, parce qu’elle le veut ; car s’il ne l’était pas, il faudrait que la même disposition matérielle du cerveau qui aurait porté l’ame du fou à vouloir tuer, eût aussi fait couler les esprits dans les nerfs de la manière propre à remuer les bras, et que ce qui l’aurait fait vouloir, eût en même temps exécuté sa volonté, sans que l’ame s’en fût mêlée, n’ayant imprimé aucun mouvement au cerveau. D’où il suit évidemment 1°. Que quand le fou aurait été une pure machine vivante qui n’aurait point eu d’âme qui pensât, il aurait encore tué cet homme en prenant même les armes qui y sont propres, et en choisissant les endroits qui sont propres à blesser.

En second lieu, que quand ce fou aurait été guéri, il pourrait