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On convient que les premières pensées sont toujours présentées involontairement par les objets extérieurs, ou, ce qui revient au même, par les dispositions intérieures du cerveau, cela est très-vrai. Cependant si l’ame formait une première pensée indépendamment du cerveau, elle formerait bien la seconde, et ensuite toutes les autres, et cela en quelqu’état que pût être le cerveau. Mais on dit communément qu’aprés que cette première a été nécessairement offerte à l’ame, l’ame a le pouvoir de l’étouffer où de la fortifier, de la faire cesser ou de la continuer.

Ce pouvoir n’est pas encore tout-à-fait indépendant du cerveau ; car, par exemple, l’ame pourrait donc en songe disposer comme elle voudrait des pensées que les dispositions du cerveau lui auraient offertes.

Mais l’opinion commune est que dans l’état de la veille ou de la santé, l’ame a dans son cerveau des esprits auxquels elle peut imprimer à son gré le mouvement qui est propre à étouffer ou à fortifier les pensées qui sont nées d’abord indépendamment d’elle.

Sur cela je remarque, que l’action des esprits dépend de trois choses, de la nature du cerveau sur lequels ils agissent, de leur nature particulière et de la quantité ou de la détermination de leur mouvement.

De ces trois choses, il n’y a précisément que la dernière, dont l’ame puisse être maîtresse. Il faut donc que le pouvoir seul de mouvoir les esprits suffisent pour la liberté,

Or je dis premièrement, que, si ce pouvoir de mouvoir les esprits suffit pour rendre l’ame libre sur la vertu ou sur le vice, quoiqu’elle ne soit maitresse ni de la nature du cerveau, ni de celle des esprits, pourquoi ne suffira-t-elle pas pour rendre l’ame libre sur le plus ou le moins de connaissances et de lumières naturelles ? Si la nature de mon cerveau et de mes esprits me dispose à la stupidité, le seul pouvoir de diriger le mouvement de mes esprits ne me mettra-t-il pas en état d’avoir, si je veux, beaucoup de discernement et de pénétration ?

En second lieu, si le pouvoir de diriger le mouvement des esprits ne suffit pas pour la liberté, puisque l’ame doit avoir ce pouvoir dans les enfans, et qu’elle n’est pour-