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embrasser l’autre qui est toujours la plus faible, quoique plus forte qu’auparavant.

Si l’on dit que ce qui empêche pendant le sommeil la liberté de l’ame, c’est que les pensées ne se présentent pas à elle avec assez de netteté et de distinction. Je réponds que le défaut de netteté et de distinction dans les pensées peut seulement empêcher l’ame de se déterminer avec assez de connaissance, mais qu’il ne la peut empêcher de se déterminer librement, et qu’il ne doit pas ôter la liberté, mais seulement le mérite ou le démérite de la résolution qu’on prend.

L’obscurité et la confusion des pensées fait que l’ame ne sait pas assez sur quoi elle délibère, mais elle ne fait pas que l’ame soit entraînée nécessairement à un parti, autrement si l’ame est nécessairement entraînée, ce serait sans doute par celles de ses pensées obscures et confuses qui le seraient le moins, et je demanderais pourquoi le plus de netteté et de distinction dans les pensées la déterminerait nécessairement pendant que l’on dort et non pas pendant que l’on veille, et je ferais revenir tous les raisonnemens que j’ai faits sur les dispositions matérielles.

Il paraît donc que le principe commun que l’on suppose inégal et tantôt dépendant, tantôt indépendant des dispositions du cerveau, est sujet à des difficultés insurmontables, et qu’il vaut mieux établir le principe par lequel l’ame se déterminé toujours dépendant des dispositions du cerveau en quelque cas que ce puisse être.

Cela est plus conforme à la physique, selon laquelle il paraît que l’état de veille, ou celui de sommeil, une passion ou une fièvre chaude, l’enfance et l’âge avancé sont des choses qui ne diffèrent réellement que du plus ou du moins, et qui ne doivent pas par conséquent emporter une différence essentielle, telle que serait celle de laisser à l’ame sa liberté, ou de ne la lui pas laisser.

TROISIÈME PARTIE.

Les difficultés les plus considérables de cette opinion sont le pouvoir qu’on a sur les pensées et sur les mouvemens volontaires du corps.