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L’ÉTOURDI.


Je ne le ſoupçonnais pas d’en être inſtruit. Je me préſente pour l’embraſſer ; il me répond en reculant que j’en ſuis indigne. Je me jette à ſes pieds, je ſerre ſes genoux, je ſaiſis ſa main, la couvre de larmes ; ma voix éteinte, étouffée, ne prononce pas un ſeul mot. Qu’eus-je pu dire qui eût valu ce ſilence ? J’ai la douleur de ſentir que mon pere retire ſa main ; mais je crois apperçevoir que cet effort eſt contraint, qu’il s’exerce avec embarras & douceur. Je leve les yeux en tremblant ; Dieu ! quel objet me frappe ? Je vois des yeux attendris ; je crois voir des pleurs, je crois voir pleurer mon pere ; ces larmes tombent à l’inſtant ſur mon cœur, je ne puis en ſupporter l’amertume. Un repentir accablant ſe joint dans mon ame à l’agitation de tous les ſentimens qui la déchirent ; l’ébranlement de la nature eſt trop puiſſant. Pénétré de douleur, de repentir, de reſpect, je jette un cri, je ſuccombe, & demeure évanoui. Si mon pere eût daigné reſter auprès de moi ;… mais il paſſe dans un autre appartement. Je me ranime,

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