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L’ÉTOURDI.


journal, & afin qu’elle puiſſe mieux reconnaître ſi je ſuis cet objet, je vais tracer ici mon portrait : il ſera d’autant plus vrai, qu’étant caché derriere le rideau de l’anonyme, mon amour-propre n’aura point à ſouffrir des coups de pinceaux de la vérité.

Je ſuis d’extraction noble ; j’ai ſervi quelques années, je ſuis retiré depuis trois, & j’en ai vingt-ſix. Ma hauteur eſt de cinq pieds ſept pouces ; ma taille eſt ſvelte & bien priſe : mes cheveux ſont noirs, en grande quantité, & bien plantés ſur un front étroit, au bas duquel regnent deux ſourcils fort noirs & bien arqués. J’ai les yeux vifs, brillants, mais un peu enfoncés, le nez ni grand ni petit, & d’une aſſez jolie forme ; la bouche proportionnée, les levres tant ſoit peu groſſes, des dents fort blanches, un menton ordinaire, & beaucoup de barbe ; voilà l’individu. Mon cœur eſt tendre, ſenſible, compatiſſant ; j’ai le caractere vif, enjoué, liant ; l’eſprit… Oh ! pour celui là qu’on en juge par ce qu’on vient de lire. Je dirai ſeulement que je paſſe pour en avoir,