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L’ÉTOURDI.


velles ; à avoir une grande quantité de grands & beaux laquais, des magnifiques meubles ; enfin une maiſon vaſte & montée ſur le plus grand ton.

Mais tout ce train immenſe & ſomptueux ne pouvait être ſoutenu qu’à grands frais ; & comme, en le prenant, je n’avais point conſulté ma fortune qui, comme tu ſais, n’était rien moins que conſidérable, elle fut bien vite diſſipée, & je fus réduit à faire des affaires ; c’eſt à dire d’emprunter de toute part, d’acheter à crédit de tout côté & revendre à vil prix les mêmes objets pour leſquels j’avais pris des engagemens ruineux ; & lorſque l’échéance de mes engagemens arrivait j’en contractais de nouveaux & de bien plus conſidérables pour acquitter les premiers.

Je ne puis te dépeindre combien un honnête homme, qui ſe trouve dans cette dure extrémité, ſouffre de remords intérieurs d’employer des reſſources malheureuſement trop en uſage dans la capitale, parmi les jeunes gens de condition qui abuſent de leur nom, de l’état de leurs parens, & de la facilité du

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